jueves, 14 de junio de 2012

Un artículo muy interesante del periódico Libération

El miércoles 13 de junio se publicó el artículo siguiente en el periódico Libération. El artículo fue escrito por Eric Loret. Es un retrato de Bastien Vivès, un historietista francés que acaba de publicar el libro l'Amour en la editorial Delcourt.







Aquí viene el artículo:



Culture

Bastien Vivès. As du strip

portrait A 28 ans, la tête de pont de la nouvelle génération BD s’illustre dans trois veines : câline, épique et fantasque.

Par ERIC LORET
Ah, l’Amour. Paru la semaine dernière chez Delcourt. Ah, la beauté. Cet air de petit garçon prêt à se faire attacher au radiateur et ces longs cheveux bruns façon Quattrocento… Le haut, ça va. En bas, deux pattes de poulet poilues sortent du bermuda scout, plantées dans des socquettes blanches. Ça doit être une tenue de skateur ou un truc comme ça, avec un sweat-shirt rouge sur tee-shirt blanc. Une fois aussi on l’a vu sur Facebook en tweed croisé, mais c’était un costume de colonel Moutarde, lors d’une partie de Cluedo.
Il y a du guingois dans ce gars-là, une disproportion entre la tête et les jambes, entre les horreurs qu’il dessine et son sourire à lunettes. Sans doute la marque du génie. Quelque chose de désaxé au pays de la post-adolescence. Bastien Vivès est la terreur des journalistes déontologues. Comme le dit un de nos confrères : «Il n’a pas de surmoi, tu appuies sur le bouton et "ça" parle.» On ne dira donc rien de la barbe du père ogre et incestueux de ses BD, mais alors rien, même sous la torture.
Il reçoit chez lui, en colocation, assiette de salade (et non de nouilles) en équilibre sur table basse à côté de la console de jeux, paire de chaussettes dans le couloir écrasées. Une pièce entière est dédiée à ses collections de tortues Ninja, achetées par dizaines sur le Net et encore sous blister, alignées sur un portant de magasin. Où a-t-on déjà vu antre pareil ? Ah oui, dans la Bête aveugle de Masumura. L’office du tourisme de Vivèsland a dû installer tout ça pour notre venue.
C’est du côté de la gare de Lyon, à Paris, dans un immeuble où habite sa famille, entre trois kebabs et deux peep-shows, «tenus par des Pakis qui matent du foot toute la journée et ne remettent les films de cul que quand un client rentre». Un quartier dont, malgré les voyages, et les sorties, il lui semble ne s’être jamais beaucoup éloigné. Une famille très unie, close et «le monde qui pourrait s’écrouler» autour, des virées en rollers avec ses potes à Bercy et certains recoins à squat qu’on lui disait d’éviter.
Le père, Jean-Marie Vivès, est matte painter (peintre de décors pour le cinéma, il a travaillé avec Bilal et Resnais), la mère comptable. Chaque destination de vacances a pour but musées et galeries. Bastien passe son enfance à crayonner avec son frère, de deux ans son cadet. L’école ne le passionne pas. Quand on lui demande ce qu’il fera plus tard, il répond invariablement «dessinateur». A dix ans, on l’inscrit aux cours de modèles vivants : «J’ai grandi avec les mêmes goûts que mon père.» Il avoue s’être rebellé contre cette ventriloquie involontaire avant, avec l’âge, d’en accepter l’héritage. C’est à l’école des Gobelins qu’il prend tardivement le goût de la narration, en passant par le cinéma (Miyazaki, mais aussi le Parrain, les Rocky). Jusque-là, il ne croquait que des figures.
Très tôt, il connaît le succès, sous le pseudonyme Chanmax et avec un personnage qui fait le tour du Net : Poungi la racaille, un pingouin du 9-3 un peu bas du front. Les forums sont son laboratoire, en particulier celui de Catsuka.com, où il rencontre son pote et futur coauteur Merwan Chabane (la trilogie du Bel âge chez Dargaud). Depuis, les deux bossent à l’atelier Manjari, avec d’autres talents comme Sandrine Bonini ou Bertrand Gatignol, auteur de Pistouvi.
Grosso modo, Bastien Vivès a trois veines - et trois éditeurs. L’une plus câline, sondant les cœurs et les gestes (le Goût du chlore, Amitiés étroites, Polina chez Casterman) au point que certains l’ont confondu dans leurs dithyrambes avec Rohmer. La deuxième, épique, chez Dargaud, avec la saga Pour l’empire. La troisième, fantasque, grotesque, cul, dans son blog, qui fait actuellement l’objet d’une publication thématique en six tomes chez Delcourt. A ce genre-là ressortit aussi le délirant Melons de la colère, livre pornographique publié chez les Requins marteaux. Les gens, dit-il, étaient contents qu’il dévie à pleins tubes : «Je l’ai écrit pour l’enfant qui le découvrira dans la bibliothèque de son père.»
Dans l’immédiat, Bastien Vivès bosse à fond sur un projet de «manga» («enfin, c’est plutôt pour la méthode de travail qu’on l’appelle comme ça, parce que ça n’a rien de japonisant»). Tellement que l’idée l’a apparemment effleuré de se séparer de sa copine pour pouvoir travailler plus à l’aise. Ils sont ensemble depuis un an et demi. Histoire de l’œil de Georges Bataille est le premier livre qu’elle lui a offert. Fais gaffe Bastien, méfie-toi quand elle reviendra chez toi avec une barquette d’œufs. Côté meuf, il avoue une certaine incapacité («j’ai attendu l’âge de 24 ans pour commencer à draguer») et une déception nette lorsqu’il a dessiné une double page sur Penélope Cruz dans Libé (le 25 avril 2009) au moment de Cannes exprès pour qu’elle le remarque (elle était sur la Croisette) et qu’elle ne lui a même pas envoyé un petit mot. Quant au manga en préparation chez Casterman, intitulé Lastman, avec Balak et Michaël Sanlaville, Vivès aime la discipline que les trois s’imposent à cette occasion, et la collaboration comme dans un studio nippon. Il y aura des dizaines de volumes, des produits dérivés, un univers entier, «un peu comme Star Wars».
On l’avait rencontré il y a deux ans, il était fan de variété italienne. «Ça m’a passé.» Maintenant, c’est plutôt la chanson française. Il cite Arnaud Fleurent-Didier, le dernier Miossec. Et sinon, qu’est-ce qui a changé ? «Euh, aigreur + 1 000», s’amuse-t-il. De quoi ? Du milieu, de l’extérieur en général. Cela ne le gêne pas de parler de lui comme d’un reclus, mais avec une carte UGC. Derniers films vus : Prometheus, De rouille et d’os, The Avengers. «Et j’ai commencé la série The Wire, c’est génial.» Il n’est pas sorti non plus pour voter, parce qu’il s’en fiche ou plutôt non, parce qu’il «voudrait que tout le monde soit content». En réalité, si l’homme se livre volontiers sur tous les sujets, il reste difficile à cerner, comme s’il était fait de bouts épars.
Sa vraie philosophie, il la garde pour les livres. Dans l’Amour, comme dans les autres tomes qui satirisent la vie quotidienne (le Jeu vidéo, la Famille), il ricane de ses tendances paranoïdes en présentant des obsédés du complot, des puceaux obsessionnels qui font passer des tests aux filles pour vérifier la compatibilité (avoir des idées sur le rapport entre Brel et Oxmo Puccino est un plus). On y voit aussi des mecs qui ne comprennent rien aux femmes, et celles-ci qui prennent les premiers pour les ballots qu’ils sont. Et puis il y a même un récit très voltairien contre le fanatisme, où un petit garçon demande à ses parents pourquoi lui n’a pas de religion alors que tous les autres en ont une dans sa classe : «Si tu veux, on va au Franprix et on t’achète une carte de membre», répond la voix du père.

Bastine Vivès en 6 dates

11 février 1984:  Naissance à Paris (XIVe).
15 novembre 1990:  Sa mère lui achète la cassette du Petit Dinosaure et la vallée des merveilles de Don Bluth.
8 juin 1996:  Son père lui explique que Warhol n’a jamais dessiné Marilyn mais qu’il s’agit d’une sérigraphie.
18 septembre 2004:  Mort de Russ Meyer.
18 mai 2007:  Parution de sa première BD, Elle(s) chez Casterman.
6 juin 2012:  Sortie de l’Amour chez Delcourt, tome 3 sur 6 de son blog.
Photo Rémy Artiges


Fuente: Libération

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